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Le Géant des Glaciers, Jonathan Soudy

Le Géant des Glaciers (Tor des glaciers 450Km et 34000md+), Jonathan Soudy ou l’Épopée du Tor des Glaciers 450 km et 34 000 mètres de dénivelé positif

Après un périple de 2 jours en voiture où j’ai pris le temps de vivre, je suis arrivé à Courmayeur mercredi 6 septembre. J’en profite pour me reposer 2 jours sur place avant le départ : je me balade dans le centre de Courmayeur et je prends « la température ». La veille du départ, j’ai le plaisir d’apprendre que Céline et Lolo vont m’accompagner sur ce Tor 450. Je vous passe le nombre de pizzas et de glaces avalées avant mon départ. Vendredi 8 septembre, il me tarde de prendre la ligne du départ. Avant de partir, je savoure une dernière pizza après le briefing avec Céline et Lolo. 20h, c’est l’heure du départ, le stress est présent au vu du long voyage de 450km annoncé par le speaker qui nous dit « à samedi ».

Le départ est lancé pour les 187 coureurs, tous finisher du Tor des Géants en moins de 130h. Nous traversons le centre de Courmayeur et arrivons à la première ascension. J’ai la sensation que tout le monde monte rapidement. Je retrouve Yannick, un coureur de Guérande avec qui j’ai sympathisé suite à notre inscription au Tor des Glaciers. Nous sommes les 2 seuls de Loire-Atlantique donc du « plat pays » à affronter la vallée d’Aoste. Les kilomètres s’enchainent assez vite car nous parcourons les GR du TMB. Nous traversons les 2 premiers refuges assez succinctement car il y a encore trop de monde. Les écarts ne sont pas encore creusés entre les coureurs. Première véritable pose à la Thuile, café et coca et c’est reparti. Je suis toujours un peu stressé, l’estomac encore noué. Je me demande si je vais réussir à boucler ses 450km. Le tout premier refuge arrive après un marathon montagne, la magie s’opère : une soupe, des pâtes et un coca. Je repars en sachant dorénavant que je serai finisher quoiqu’il arrive : je suis en mode endurance, ma course est lancée.

Direction le premier col au-dessus de 3000m d’altitude, ils seront au nombre de neuf. Le décor est planté, je vais vite m’apercevoir que je vais plus vite à monter qu’à descendre. Pas de chemin tracé, seulement des blocs rocheux, des trous, des névés et du caillou. La descente d’environ 3-4h m’amène jusqu’à un village. J’en profite pour faire une pause dans un bar car on m’annonce le prochain refuge dans 1500md+ pour 10km. Mon premier et heureusement seul coup de moins bien est à environ 11heures, il fait extrêmement chaud. L’ascension est interminable, sans ombre, sans eau et en plein cagnard. Je suis obligé de m’arrêter toutes les 5 minutes, heureusement je gère. Je prends le temps de manger une pâte de fruits et de la grignoter en 1/4 d’heure tellement je suis en surchauffe. Enfin, le refuge arrive :  quel soulagement, je suis vraiment dans un sale état. Une soupe, des pâtes avalées, un coca et au moins 3 sprites, je me sens mieux. Je retrouve Yannick qui fait le choix de dormir 2h, ayant pris un coup de chaud aussi comme la moitié des coureurs. Ensuite la descente se fait sans encombre tout comme la montée. Je prends le temps pour éviter les problèmes de digestion sur ce parcours sans encombre. Il y a à nouveau un passage à 3000m d’altitude mais celui-ci passe beaucoup mieux que le premier. Avant d’arriver au refuge, j’ai la chance d’apprécier le premier glacier Rhutor. Quel bonheur de le fouler ! C’est une vue à couper le souffle, le temps s’est arrêté durant quelques instants. D’ailleurs l’itinéraire que l’on prend s’appelle Alta di Via Glacia. Je file un coup de main à un coureur complétement perdu qui commence à paniquer. Je le ramène au refuge suivant tout en essayant de parler anglais.

Enfin ma première pause sommeil de 2h dans le refuge de Benovolo et déjà 95km et 7964md+. A la sortie du refuge, c’est parti pour la partie la plus technique et dangereuse du Tor des Galciers. Je rencontre Sébastien, avec qui je vais partager un bon bout de chemin. Il m’impressionne car il prend son temps et m’annonce qu’il a déjà terminé le Tor des Glaciers trois fois, respect ! Nous passons des pierriers interminables, des pentes à plus de 30% et 2 refuges. Nous voilà au passage du Grand Néron, un sommet à 3250m d’altitude ! Quel plaisir encore que de voir un glacier, le Grand Paradis. On va devoir descendre 100m de dénivelé sur 250m à l’aide de chaines et d’une échelle à la verticale. Les Italiens sont fous. La sécurité est très légère, ce passage est vraiment dangereux. Sébastien a vraiment très peur sur l’échelle, je décide de l’accompagner du mieux que je peux. Nous arrivons en bas tant bien que mal, et même si nous avons quitté un refuge il n’y a pas si longtemps, nous décidons de faire une pause car la dangerosité et la technicité ont nécessité une concentration extrême qui nous a épuisé. Nous enchainons une descente dans les pierriers avant encore une montée sèche jusqu’au col le plus haut du Tor des Glaciers à 3300 m d’altitude. Pas de chance, il est encore midi et le soleil est au zénith.

Après une très longue descente toujours dans les cailloux, j’arrive à la première base de vie (160km et 12107md+) où Lolo et Céline m’attendent. Après un bon repas, Lolo et Céline m’aident à préparer mon sac. Une bonne douche, 2h à 3h de sommeil dans un lit de camp, Sébastien et moi repartons pour poursuivre notre aventure. Il y a 60km et 5000md+ jusqu’à la prochaine base de vie avec 5 refuges pour se ravitailler. Une succession de montées très pentues et de descentes très techniques s’en suivent. Avec Sébastien, on se dit que finalement les pentes en dessous de 20% c’est du plat !

Avant d’arriver à la seconde base de vie, il y le refuge Bonze où nous décidons de dormir 2h car le confort est bien meilleur dans les refuges que dans les bases de vie.  Nous décidons que la base de vie de Donnas ne nous servira que de ravitaillement.  Lolo et Céline sont toujours là, même au petit matin. Lolo est au petit soin et nous apporte tous les plats que nous désirons. Changement de tenue, recharges du téléphone et de la lampe puis nous repartons. Nous croisons pour la première fois le chemin du Tor des Géants, c’est un petit soulagement de ne pas être obligé de suivre la trace sur la montre GPS mais de juste suivre les fanions jaunes, c’est reposant. S’enchainent 4 km d’escaliers sur une pente extrêmement dure (1900md+), avec une arrivée au sommet qui nous procure un grand plaisir. L’arrivée au refuge Coda, commun au Tor de Géants et des Glaciers, se passe dans une ambiance de folie, encore un bon repas nous attend. Nous sommes obligés de nous équiper car en sortant du refuge, il pleut des cordes : cette partie ne va pas être simple. C’est une montée en colimaçon interminable au beau milieu de la forêt. Sébastien fait sans cesse des pauses pour dormir, je décide alors de poursuivre ma route jusqu’au refuge suivant où je l’attendrai. Par manque d’inattention, je fais ma première chute qui me provoque une petite douleur à la cuisse que je trainerai jusqu’à la fin. Vive le mélange d’Arnica et d’huiles essentielles préparé par Delphine avant mon départ ! Le refuge de la Balma ressemble à un énorme restaurant perché dans les bois. Je vais y dormir 2h30. A la sortie de ce refuge, un mur nous attend : 1km à 30%. C’est encore une succession de montées et de descentes très raides dans les cailloux avec par endroits des chemins du Tor des Géants. Nous croisons des coureurs du Tor 330 qui nous félicitent et ça fait chaud au cœur.

Arrivée à la dernière base de vie à Gressoney (287km et 21500md+), nous sommes déjà mercredi. Je vous avoue que j’ai beaucoup de mal à me repérer dans le temps. Céline et Lolo n’ont pas eu le droit de rentrer dans la salle. Ils m’attendent très gentiment dehors dans leur van car ils veulent partager un bout de chemin avec moi. Après un bon repas, une douche et le plein du sac fait, nous repartons tous ensemble. C’était la dernière base de vie. Je ne retrouverai mon sac qu’à l’arrivée. Il me reste 170km, donc un UTMB en distance mais beaucoup plus technique.

Nous attaquons un long plat monotone en direction du refuge de Sitten sur lequel je m’endors par intermittence ce que remarque Céline qui me le signale. Quel plaisir d’être accompagné par Lolo et Céline jusqu’au refuge ! On parle de tout et de rien, des informations importantes du moment. Lolo nous annonce des orages à venir, en théorie on devrait passer au travers. Avant d’atteindre le refuge, on attaque encore une grosse montée sèche. C’est le meilleur refuge, l’accueil est extraordinaire et on y mange divinement bien : pizza en entrée, lasagne et forêt noire en dessert. En sortant du refuge, la pluie tombe assez fortement, il faut alors s’équiper et garder le moral. Encore une énorme montée dans les pierriers, le parcours est très lunaire et impressionnant à voir. Au loin, on aperçoit encore un glacier, c’est vraiment magique. Une succession de montée et de descentes techniques et rocheuses s’en suivent avant d’arriver sur la partie la moins belle du Tor des Glaciers :  les pistes de ski qui cerclent le Cervin. Le Cervin est splendide 4400m d’altitude, on passe vraiment au pied puis sur de longues moraines qui surplombent la ville de Servina. Quelle vue improbable ! Encore un énorme passage dans des pierriers, on est rejoint par Nicolas, un suisse vraiment très gentil.

 Arrivée au refuge Vilermoz, je décide de dormir 2h. A mon réveil, on nous annonce que le chemin de repli n°4 est activé sans en connaitre la raison. Pour certains coureurs, c’est un soulagement. Visiblement, on évite un gros passage technique. Nous partons en direction du refuge Prarayer sous des trombes d’eau et des éclairs au loin. Ce n’est vraiment pas rassurant. J’espère véritablement éviter l’orage. Je m’aperçois que mes vêtements ne me protègent pas suffisamment de la pluie. J’ai froid et je suis trempé. J’accélère dans la dernière descente qui mène au refuge pour me réchauffer car sur la fin du chemin se trouve un cours d’eau ce qui signifie que le chemin est plat. A ce refuge, on nous confirme l’itinéraire de repli n°4 (10km en plus mais moins de dénivelé) mais toujours sans explication, c’est le flou absolu. Je sors ma carte pour étudier le parcours car l’itinéraire ne part pas du refuge et la trace n’est vraiment pas évidente. Une fois parti, après 5km, mon binôme Sébastien a de gros problème de sommeil : il marche 5 min et dors 5 min. Il fait cela à plusieurs reprises. Après discussion, je le laisse dormir et je finis ma route tout seul en espérant le revoir. Une fois seul, j’accélère le pas, je coure énormément dans les descentes et les sensations sont très bonnes mais, malheureusement, je dois finir par 5km de route avant de rejoindre un ravitaillement du Tor des Géants à Oyace. Je le reconnais, c’est un très bon endroit mais le seul petit problème est qu’aucun lit n’est disponible pour dormir. En attendant, j’échange avec Bastien, un coureur de Dijon à fleur de peau qui a besoin de discuter de ses problèmes personnels. Après une bonne demi-heure de discussion, 2 lits se libèrent et nous allons dormir. A ce moment-là, tous les coureurs ont la pression à cause de la dernière barrière horaire à passer au refuge Champillon à 15h30.

Je repars à 5h du matin sous la pluie avec Bastien, le chemin est très technique, très pentu, au travers de rochers certainement plein de fer : mon GPS beugue ce qui me complique la tâche. Nous cherchons notre chemin à fleur de pente, le vide étant juste en dessous. Nous sommes alors hors-pistes, hors trace. Sébastien panique et je dois donc gérer la situation. Le ravitaillement est 2Km plus haut. Je décide d’y aller tout droit à l’azimut brutal (tout droit pendant 2km quel que soit le terrain). Bastien me suit mais n’est pas rassuré. Ouf, nous arrivons au ravitaillement du Tor des Géants dans lequel on nous indique vaguement la trace avant de retrouver celle du Tor des Glaciers. Après discussion avec Bastien, nous avons un doute sur les informations données au ravitaillement vu que nous sommes encore sur le parcours de repli. Après encore quelques kilomètres à chercher notre chemin, enfin nous retrouvons la trace initiale du Tor des Glaciers qui nous emmène direction le refuge. Sur le tracé de repli, nous croisons encore un chemin du Tor des Géants avec son ravitaillement : une polenta avalée, je repars alors que Bastien décide de dormir.

Le chemin est pour une fois roulant et vu que j’ai les jambes, je coure. Je double énormément de coureurs malgré la fatigue qui commence à se faire ressentir. J’arrive à un carrefour où j’aperçois Lolo tout seul au loin. Il me demande si j’ai croisé Delphine qui est descendu plus bas que prévu en suivant les traces du Tor des Géants, le refuge de Champillon étant commun aux 2 parcours du Tor. Lolo récupère Delphine et je l’attends tranquillement dans l’ascension vers le refuge. Je retrouve Delphine, je suis très content de la voir malgré son énorme stress (son parcours pour arriver en Italie n’a pas été simple). Nous arrivons au refuge vers 12h ensemble, accompagné de Lolo, Céline et Lilly la plus jeune des filles de Delphine. C’est le top ! Tout le monde est soulagé car la barrière horaire est passée à ce moment-là. Une bonne soupe, un plat de saucisses rougail, une tartiflette puis une tarte aux amandes et du chocolat, un massage et je repars avec Lolo et un coureur italien. J’avale l’ascension d’1km avant une grosse descente suivie par un très long faux plat montant que je coure entièrement. Je ne fais que doubler, mon moral est au beau fixe, ça sent la fin.

Comme à mon habitude, j’accélère toujours sur la fin. En revanche, pour une fois, le chemin est sans intérêt, les nuages me gâchent la vue. J’arrive très rapidement à l’Hôtel Italia, à la frontière Suisse où je sais que tout le monde m’attend. J’en profite pour les appeler car le chemin est sous une ligne très haute tension et mon GPS ne fonctionne plus correctement. Heureusement, Delphine me guide à distance, merci beaucoup : j’étais bien plus bas que je ne l’imaginais. Une grosse montée sèche et me voilà à l’Hôtel Italia qui sert de ravitaillement. Après une polenta, un bon massage et 30 min de repos, me voilà reparti avec 2 parts de pizza dans mon sac. Petit bémol, la chaleur dans l’hôtel est trop importante et je mange difficilement. C’est la dernière fois que je verrais mon assistance avant la ligne d’arrivée. En sortant, il fait froid dehors, je décide d’attaquer fort. Je coure tout ce que je peux, ça monte très dur et je suis rattrapé par une très grosse fatigue, j’ai des hallucinations. Il faut vraiment que je dorme. Je vois un chien qui me coupe la route, une borne à incendie et pour finir un mur qui m’oblige à baisser la tête. Je décide de m’assoir et d’attendre 10 minutes un groupe de 4 coureurs avec 2 américains et 2 suédois qui se trouve derrière moi. Je leur explique ma fatigue et leur demande de m’emmener jusqu’au refuge. Leur chef de file me dit « ok guys, stay with me ». Cool, plus de GPS à regarder juste des pieds devant à suivre en luttant contre le sommeil jusqu’au refuge. Arrivée à celui-ci, quel soulagement et pour une fois je dors avant de manger. Je m’y repose une heure sur un matelas douillé avec une énorme couette. 

A la sortie du refuge, je repars vers le col mythique du Tor, le col de Malatra.  Comme la visibilité est nulle, nous avons obligation de passer le col à plusieurs. Je connais cette partie car la fin est commune au Tor des Géants avec 2 exceptions : une ascension vers un col à 2500m d’altitude à deux reprises. Jusqu’au dernier moment, il nous emmène dans les étoiles. Une très grosse montée sèche pour finir, vraiment ils abusent.  Puis certainement une vue imprenable avant d’attaquer la dernière descente au refuge mais j’étais dans le brouillard total. J’atteints le refuge Bertone, le dernier du Tor. Il me reste 5km. Je verse quelques larmes car je sais déjà que je serai finisher de cette belle expédition dans les étoiles. La descente, contrairement à il y a 2 ans, est facile malgré les cailloux et les racines. J’arrive dans le centre-ville de Courmayeur où Delphine m’attend. Lolo et Céline patientent sur la ligne d’arrivée pour immortaliser ce moment magique. Petite marche avant de finir en courant, tous les deux mains dans la main pour passer cette ligne d’arrivée tant attendu à 3h55. Je suis rempli d’émotions et de fatigue mais je suis devenu un Géant des Glaciers en parcourant ces 450km et 34000md+ en 175 h 55min à la 46è place sur 187 coureurs mais seulement 85 finishers. Quelle fierté !

Avant de finir pour les amateurs de chiffres et de statistiques, le Tor des glaciers représente :

  • 7 mois d’entrainement, 2340km de parcouru et 116 000 m de d+
  • 8429 étages, 529 912 pas et 13h30 de sommeil sur 7,5 jours de course.

Le Tor des Glaciers c’ est une aventure sportive et humaine extraordinaire, un voyage unique autour des glaciers dans la vallée d’Aoste, des rencontres exceptionnelles, des paysages à couper le souffle. C’est bien plus qu’un trail, c’est une expédition durant laquelle le temps s’est arrêté.

Je tiens à remercier de près ou de loin tous ceux qui m’ont aidé et m’ont permis de réaliser ce rêve. Mille mercis à ma famille qui m’a laissé vivre ce rêve, merci à tous ceux qui ont participé à ma cagnotte Letchi. Sans vous, ce rêve dans les étoiles n’aurait été possible. Un sacco d’amor !

PS : à tous les licenciés de l’ACPA  « entrainement difficile, trail facile »